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Recherche / 26 octobre 2023

NEUROSONOGENE : le projet de recherche pour rendre la vue grâce aux ultrasons

Anna MORONI, Serge PICAUD et Mickael TANTER sont lauréats d’un ERC Synergy Grant ! Un financement exceptionnel qui en 2023, n’a été accordé qu’à 37 projets, sur les 395 soumis par 19 pays d’Europe et dans le monde. 


Seulement 9% des projets ont donc été primés pour s'attaquer à des problèmes de recherche les plus challengeants au monde, comme l’imagerie 4D, les traitements du cancer, l'effet de serre climatique, l’hydrogène sous pression… Le financement aide des groupes de chercheurs à mettre en commun leurs compétences, leurs connaissances et leurs ressources pour repousser les limites de nos connaissances.

Un nouveau pas vers la restauration visuelle

La collaboration entre Anna MORONI (Université de Milan), Mickael TANTER (Institut de Physique pour la Médecine) et Serge PICAUD (Institut de la Vision, coordinateur du projet) aboutit à la faisabilité (preuve de concept) de l’activation à distance du cortex cérébral avec une très haute résolution en utilisant des ultrasons basés sur la sonogénétique.

L’étude de la sonogénétique a été rendue possible grâce à la convergence multidisciplinaire des trois laboratoires :

  • l'ingénierie des canaux ioniques* pour la stimulation à distance (Anna MORONI),
  • le traitement de l'information visuelle dans la rétine (Serge PICAUD),
  • et la physique des ondes et l'ingénierie biomédicale (Mickael TANTER).

L’objectif est de redonner la vue aux patients qui l’ont perdue suite à une pathologie qui touche la liaison œil/cerveau (glaucome, la rétinopathie diabétique, ou neuropathie optique héréditaire, tumeurs…). Ces maladies entraînent la cécité en raison de l'atrophie du nerf optique. Dans le cadre d’une restauration visuelle, cela implique de réintroduire l'information visuelle directement au niveau du cerveau. Nous parlons de substitution sensorielle.

La sonogénétique, une interface révolutionnaire

Les ultrasons sont généralement utilisés pour générer des images du corps humain, comme dans le cas d’une échographie prénatale. Dans la thérapie sonogénétique, ils sont utilisés pour produire une image dans le cerveau afin d’induire la perception de cette image. La thérapie sonogénétique se décompose en deux temps.
Elle consiste d’abord à modifier génétiquement certains neurones afin de pouvoir les activer à distance par des ultrasons. On introduit le code génétique d'une protéine, un canal ionique, sensible aux ultrasons dans les cellules. Cette protéine rend alors ces neurones modifiés sensibles à distance par des ultrasons de faible intensité appliqués à la surface du cerveau. Cela permet de cibler avec précision des zones spécifiques du cerveau, des cellules sélectionnées par la thérapie génique telles que les neurones excitateurs du cortex visuel, responsable du transfert des informations visuelles.

Dans un second temps, la thérapie sonogénétique utilise les ultrasons pour convertir les images de l'environnement du patient, en stimuli cérébraux. La résolution des ultrasons sert dans ce cas, non pour obtenir une belle image, mais pour l’imprimer dans le cerveau.

Concrètement, le patient porterait une paire de lunettes prenant des images de ce qui l’entoure. Son environnement serait transformé en images ultrasonores projetées par la suite sur son cortex visuel. C’est là que la substitution s’opère : le patient aveugle pourrait percevoir à nouveau son environnement.

Le projet NEUROSONOGENE

Le Financement ERC est une aide pour finaliser les études pré-cliniques. Les équipes scientifiques sont prêtes à pousser le concept. Le projet NEUROSONOGENE permettra, notamment, d’optimiser la fréquence des stimulations à utiliser pour obtenir une vision fluide des formes et des mouvements.

" La mise au point d'un essai clinique de thérapie sonogénétique nécessite encore de nombreuses étapes pour valider son efficacité et sa sécurité. Si les résultats sont confirmés, cette thérapie parviendrait à restaurer la vision des patients de manière stable et sûre ", conclut Serge PICAUD.
Le projet a pour objectif de passer aux essais thérapeutiques sur l’Homme dans moins de 10 ans.

L'équipe projet

Anna MORONI, Professeure au département des biosciences, Université de Milan, elle est experte des canaux ioniques* et en ingénierie des canaux synthétiques utilisés pour le contrôle in vivo de l'activité neuronale.

Serge PICAUD, Directeur de l’Institut de la Vision et Directeur de recherche INSERM, Docteur en pharmacologie et neurosciences, il a initié l’équipe « Traitement de l’information visuelle dans la rétine : Codage et restauration visuelle » de l’Institut de la Vision.

Mickael TANTER, Directeur de l'Institut de Physique et Technologies pour la santé de Paris et directeur de recherche IINSERM. Physicien, Il est spécialiste de l'imagerie médicale et des thérapies par ultrasons.

 

*Protéines membranaires qui contrôlent les signaux électriques des cellules en réponse à divers stimuli physiques et chimiques.

Pour aller plus loin : Lire le communiqué de presse lors de la publication de la preuve de concept de la thérapie sonogénétique