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/ 9 octobre 2024

Canne blanche, s’affranchir des préjugés pour gagner en autonomie

Selon l’étude Homère sur la déficience visuelle en France, 59 % des répondants avec une incapacité visuelle sévère* n’utilisent aucune aide à la mobilité. Marqueur d’un handicap visuel, la canne blanche est parfois difficile à assumer. Son utilisation est donc souvent retardée. Pourtant, elle ne sert pas qu’aux personnes atteintes de cécité totale, elle est aussi très utile aux personnes malvoyantes. Son rôle est de faciliter les déplacements, en toute autonomie. Le Directeur du Mécénat de l’Institut de la Vision, Arnaud Bricout, l’utilise depuis 2008. Il partage son expérience.

Affiche Journée mondiale de la canne blanche
Affiche Journée mondiale de la canne blanche

Qu'est-ce qui vous a incité à commencer d’utiliser une canne blanche ?

J’ai ressenti les premiers symptômes de la rétinopathie pigmentaire dans mes déplacements piétons, notamment une difficulté dans mes marches nocturnes. Amateur de bal de tango, il m’arrivait très fréquemment de rentrer tard chez moi et je me sentais moins agile dans les rues parisiennes que sur les pistes de danse.
Par ailleurs, mon médecin traitant m’a recommandé de l’utiliser le plus tôt possible afin de bien me familiariser avec l’outil grâce à une vue résiduelle encore importante. Je le remercie encore de son précieux conseil, qui aujourd’hui, me permet de me déplacer en toute autonomie avec un champ de vision inférieur à 15 degrés.

Quels avantages avez-vous constatés depuis que vous l'utilisez ?

La canne blanche est un outil qui a véritablement changé la manière de me déplacer. Elle m’a offert beaucoup plus d’aisance car elle permet une grande sécurité, de continuer à marcher normalement comme une personne valide et permet de rencontrer de nombreuses personnes. Je dis souvent que la canne blanche est créatrice de lien social car il ne se passe pas une journée sans que je fasse de nouvelles rencontres. En effet, si je marque l’arrêt devant un passage piéton ou cherche ma route, de nombreuses personnes me proposent de l’aide. C’est très réjouissant de sentir ce soutien de la population autour de moi.

Avez-vous rencontré des difficultés au début de son utilisation ? Si oui, comment les avez-vous surmontées ?

Oui, un peu de difficultés sur l’utilisation de l’outil mais vite résolues grâce à un stage dans un centre de réadaptation à Paris. Mais les difficultés étaient surtout sur le plan psychologique car j’ai dû affronter le regard des autres. Ils me regardaient dorénavant comme une personne handicapée. J’avais changé brutalement de statut.
Toutefois, j’ai compris que ce regard dur porté sur moi racontait une petite histoire qui leur était propre. En effet, en voyant une personne avec une canne blanche, les personnes peuvent être projetées dans leur propre peur, celle d’être elles-mêmes touchées par le handicap visuel. Leur regard s’assombrit en pensant à ce drame qui les toucherait et nous pensons à tort que ce regard nous est destiné or, il s’agit que du reflet de leur cheminement intime et personnel.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui hésite à utiliser une canne blanche ?

Me contacter !! Je lui donnerai la liste d’autres avantages du port de la canne blanche : autonomie, confiance en soi, humour et dérision, empathie, attention, ouverture, contacts… J’ai convaincu de nombreuses personnes de mon entourage à s’équiper d’une canne blanche. Aujourd’hui, elles ne feraient pas machine arrière. Mais le tout premier conseiller est souvent le médecin, alors il faut l’écouter. 

Des cannes électroniques et connectées existent. La vôtre ne l’est pas. Quelles innovations attendez-vous ?

J’ai essayé plusieurs cannes électroniques sans vraiment ressentir de bénéfice par rapport à ma canne blanche toute simple. Ma canne m’apporte tout ce dont j’ai besoin au quotidien. 
Côté innovation, je suis bien placé au cœur de l’Institut de la Vision pour savoir que nos recherches avancent à grands pas. Les rétinopathies bénéficient d’avancées prometteuses dans la connaissance des gènes, la protection de la rétine (des bâtonnets et des cônes) et des thérapies innovantes sont en étude clinique actuellement. Mais il faut encore du temps pour s’assurer de la sécurité et de l’efficacité de futures thérapies. Alors, en attendant, pour être tout à fait franc, j’attends avec impatience un robot équipé d’une intelligence artificielle pour me permettre d’être guidé et en interaction comme je le serai dans une voiture autonome. En plus de la force de la recherche scientifique et médicale, je pense que c’est aussi un avenir prometteur pour les personnes en situation de handicap sensoriel ou physique.

* en vision de loin, impossibilité de distinguer un visage à 4 mètres ; en vision de près, la lecture est impossible.

Pour en savoir plus sur l’étude clinique PRODYGY, l’une des avancées majeures de l’Institut de la Vision pour contrer la rétinopathie pigmentaire :  https://rapportactivite2023.institut-vision.org/letude-prodygy-symbole-de-la-recherche-translationnelle

L’Hôpital national des 15-20, dans son centre de réadaptation visuelle, accompagne les patients pour récupérer et préserver leur autonomie. Pour en savoir plus : https://www.15-20.fr/offre-de-soins/institut-saint-louis